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G... comme un Gars du pays : Gilles de Rais

Dernière mise à jour : 17 mars 2024




Vincent CASSEL, interprète de Gilles de Rais en 1999 dans le film de Luc BESSON "Jeanne d'Arc"



L'un de mes fils m'ayant conseillé la lecture de "Avec un grand H" (Editions Nova - 15€), chroniques historiques de Jean-Christophe Piot, dans son émission sur Radio Nova, Tu parles d'une histoire, je vous invite à lire son texte sur Gilles de Rais :

GRAND SAIGNEUR : Gilles de Rais

Faisons marche arrière sur six cents bonnes années et arrêtons-nous au tout début du XVe siècle, au cœur du pays de Retz, quelque part entre l’Anjou et la Bretagne. Là, dans la tour d’un vieux château, un petit enfançon pousse ses premiers cris. Il s’appelle Gilles, Gilles de Rais, et descend d’une lignée de grands féodaux, redoutés sur tous les champs de bataille de la chrétienté. En grandissant, Gilles ne manque pas de faire honneur à son rang. C’est vrai qu’on l’a formé pour, mais il est à peu près aussi calme qu’un baril de nitroglycérine à l’arrière d’une auto-tamponneuse. Avec les femmes, tenez. Gilles n’a pas 16 ans qu’il épouse sa cousine de force avant d’expédier sa belle-mère dans un cul de basse-fosse, par plaisir d’abord, pour lui piquer ses terres ensuite – la version médiévale de l’OPA familiale, en gros. Bon, mais terroriser des belles-mères, ça va bien cinq minutes, Gilles a mieux à faire et la guerre de Cent Ana n’attend que lui. Coup d’éclat après coup d’éclat, intrigue après intrigue, le jeune capitaine grimpe les échelons. À 20 ans et des poussières, c’est un homme qui compte dans l’entourage du Dauphin, Charles VII, lequel n’a encore qu’un demi-cul sur le trône et encore, en comptant large.



Arbre généalogique (site Heresie.com)

En 1429, Gilles est à Chinon quand Jeanne d’Arc se pointe à la Cour. Et quand le roi confie quelques centaines d’hommes à la jeune fille, c’est lui qui est à ses côtés. Pour l’aider ? Sans doute. La contrôler ? Peut-être. Impossible de savoir précisément ce qui s’est joué entre ces deux-là, la jeune fille et le capitaine, la sainte et l’homme de guerre : rien de sentimental, assurément, mais pour le reste… Le jour du sacre de Charles VII, à Reims, Gilles est nommé Maréchal de France. Mais bien qu’il soit au sommet, la capture et la mort de Jeanne d’Arc semblent lui flanquer le moral à zéro. Alors même que la guerre continue, alors même qu’il est célèbre, jeune, riche et qu’il adore la castagne, voilà qu’il se retire des champs de bataille pour claquer son pognon dans une série d’âneries qui finissent par le ruiner – et Dieu sait qu’il fallait y aller fort. Histoire de se refaire, Gilles se lance dans un plan intéressant : la recherche de la pierre philosophale, celle qui peut, dit-on, transformer en or les métaux les plus vils. À cette fin, il recrute un Toscan, Prelati, qu’il installe dans une de ses places fortes, à Tiffauges. Prelati est a priori un banal escroc, mais il part assez vite en vrille : l’alchimie ne suffisant pas, il commence à tripatouiller du côté des puissances obscures.




Michel Tournier a imaginé la relation qui les unissait dans son roman Gilles & Jeanne. Voici ce qu'en dit une admiratrice, LiliGalipette sur Babelio :

"Quand Gilles de Rais rencontre Jeanne d'Arc, il n'est qu'un seigneur de province sans ambition, ni grande intelligence. « Il a immédiatement reconnu en elle tout ce qu'il aime, tout ce qu'il attend depuis toujours : un jeune garçon, un compagnon d'armes et de jeu, et en même temps une femme, et de surcroît une sainte nimbée de lumière. » (p. 11) Gilles met son bras et son courage au courage de la Pucelle et la mort tourmentée de celle-ci le transforme. Après trois ans de retraite dans ses domaines, terré comme une bête, il est devenu un monstre sanguinaire qui dévore et supplicie des enfants. « C'est si émouvant, un enfant qui souffre ! C'est si beau un petit corps ensanglanté, soulevé par les soupirs et les râles de l'agonie. » (p. 48) Effrayé par ce qu'il est devenu, il demande de l'aide à son confesseur, l'abbé Blanchet. En Toscane, l'abbé rencontre François Prélat, alchimiste persuadé de pouvoir sauver l'âme de Gilles grâce au feu. Hélas, le destin de l'ogre de Tiffauges est déjà tracé et sa légende est en marche. Michel Tournier fait parler les silences de l'Histoire et tente de comprendre comment le compagnon de la pure Jeanne a pu devenir ce monstre de cruauté. La rencontre entre la pucelle et la bête est pétrie de contradictions, mais également d'évidences: ces deux-là étaient faits pour se connaître et se reconnaître et c'est peut-être la sainte qui a donné naissance au monstre. En 1970, Michel Tournier écrivait le roi des Aulnes : Abel Tiffauges y était un descendant direct de Gilles de Rais. Cette figure marque la mythologie de l'auteur. En 1983, en écrivant Gilles et Jeanne, il comble les blancs d'une histoire qui a nourri tant de contes et de légendes."

Une conférence prononcée par Matei Cazacu aux Archives de Loire Atlantiqe, à réécouter



Ill. Louis BOMBLED



[suite du texte de J.-C. Piot]




Ça commence à sentir le soufre du côté de Tiffauges et de sales rumeurs se mettent à circuler sur les terres du seigneur de Rais. Mais bon, personne d’important : des petits bergers, souvent, des filles ou des garçons qui jouent à la lisière des villages – des gueux. Quelque temps plus tard, Gilles merdoie dans les grandes largeurs. Pour se faire quelques caillasses, il ne trouve rien de mieux que de braquer une église, e, 1440 et en pleine messe. Là, ça fait tache. Maréchal de France ou pas, baron ou pas, Gilles doit affronter un tribunal ecclésiastique et un tribunal séculier, quelque chose comme notre cour d’assises – la justice Dieu et celle des hommes, quoi. Et ce qu’il ne voit pas venir, c’est que l’enquête a sérieusement dépassé cette histoire de hold-up d’église. Quand le procès s’ouvre, Gilles croit qu’on le juge pour avoir collé une trempe à un curé : c’est grave, mais ça se tente. La tronche qu’il tire en découvrant l’acte d’accusation n’est pas racontable .

Le tribunal religieux parle d’hérésie ; d’invocation démoniaque et de péché de sodomie. Le tribunal civil se contente de parler d’enfants assassinés, mais la liste est un peu plus longue que la muraille de Chine. Gilles commence par taper un scandale, en mode « Quoi ?!? Mais on ne m’a pas prévenu ! Qu’est-ce que c’est que cette justice de gauchistes ?!? », et il se fait excommunier dans la seconde. Pour un chrétien comme lui, ce n’est pas seulement sa vie qu’il risque, c’est l’enfer. Et cette perspective a pour effet de le rendre soudain aussi doux qu’un agneau : il s’effondre et avoue tout. C’est bien simple, on ne l’arrête plus. « Pour mon ardeur et délectation de luxure charnelle, plusieurs enfants en grand nombre je pris et fis prendre, lesquels je tuai et fis tuer… ». Inutile de détailler ce qu’ont subi les mômes, mais imaginez le pire, multipliez par trois et vous serez encore loin du compte. Les aveux de gilles et de ses complices révoltent tant l’assistance qu’un juge finit par se lever pour couvrir la statue du Christ de son manteau, histoire d’épargner ses divines oreilles. Le tribunal religieux s’arrête à cent quarante meurtres, le tribunal séculier à deux cents. L’hypothèse haute tourne autour de huit cents.













Images tirées du site BDZOOM


Mais également une très bonne critique de cet ouvrage sur le blog Le Carnet et les Instants


Le 25 octobre 1440, Gilles est déclaré « hérétique, apostat, coupable d’horribles invocations des démons, de meurtres d’enfants et de crimes odieux ». C’est la corde. Le lendemain, à Nantes, ses deux serviteurs et lui sont hués par la foule à l’approche du gibet. Et il se passe alors quelque chose de dingue. En larmes, Gilles supplie les parents des petites victimes de lui pardonner. Et tandis qu’il parle, les cris de haine et de colère s’éteignent. La foule tombe à genoux et prie pour l’âme de Gilles de Rais, qu’on pend sur-le-champ. Mais il y a peut-être un truc encore plus fou que cette histoire de thérapie collective accélérée. À Tiffauges, la plus grande place du bourg porte toujours le nom de gilles de Rais, ce qui en fait à ma connaissance le seul endroit au monde baptisé du nom d’un tueur en série.


En fait Tiffauges utilise cet "illustre" passé pour attirer le touriste d'aujourd'hui.

Cette attirance -morbide- pour les tueurs en série fait le bonheur des lecteurs et spectateurs... Vous trouverez beaucoup de publications -papier ou électronique- sur Gilles de rais. Je vous invite à visiter celle-ci : Heresie.com


Le blog Carnet d'histoire propose une courte biographie en 2021.



A Machecoul vous pouvez visiter le château du "saigneur' de Retz....



En 2014 le réalisateur Eric Dick est venu présenter au cinéma St Joseph son long métrage Monstrum. Le film est basé sur les derniers mois de liberté de Gilles de Rais en son château de Machecoul. C'est un thriller médiéval... et c'est un évènement, car c'est la première fois qu'un film de cinéma est réalisé sur Gilles de Rais.


Maintenant le prénom Gilles, et son origine, sur Geneanet :

Gilles (Saint Gilles) : Egidius [égide, bouclier, en grec], abbé dans le Languedoc au septième siècle, honoré le 1er septembre. Saint Gilles, dont le véritable nom est Aegidius , était né à Athènes. Il passa en France et vécut pendant, plusieurs années dans un lieu solitaire du diocèse de Nîmes. La renommée de sa piété ayant attiré auprès de lui un assez grand nombre de disciples, il bâtit un monastère autour duquel s'éleva en peu de temps la ville qui porta le nom du saint.


Fête : 01 Septembre .... d'où les manifestations à Pornic, Gilles étant le saint patron de la paroisse, du 23 au 25 août en cette année 2019 .




Le Gille (avec ou sans majuscule) est un ancien personnage de la comédie burlesque, du nom de Gilles le Niais, acteur du théâtre de la Foire, représentant le type du niais. Par métonymie, désigne une personne costumée comme le personnage, notamment à l'occasion d'un carnaval, un acteur jouant ce rôle, ou quelqu'un qui a l'air et le maintien d'un niais. Le titre Le Gille ou Gilles a été donné anciennement a tableau de Watteau -qui maintenant s'intitule Pierrot- représentant un jeune homme costumé, l'air perdu.

(Wikipedia)




Une expression, que je ne connaissais pas avant de rédiger cet article : "faire gille"  = s'enfuir, prendre la poudre d'escampette.

  

"Expression française dont les origines remontent au XVIème siècle et sont plus ou moins douteuses. Du moment que l’expression semble de moins en moins usitée et archaïque, personne n’a pu être sûr de connaître sa provenance. De ce fait et selon quelques interprétations, le choix du prénom gille ferait référence au personnage niais et débile ou à l’histoire de saint Gilles qui s’est enfui du sacre d’après les historiens pour ne pas être roi. Par contre selon les grammairiens de l’époque, l’explication est plus claire que cela et ferait référence au vieux verbe giller signifiant s’enfuir."


La France Pittoresque analyse cette expression beaucoup mieux que je ne saurais le faire : faire gille


Toutefois, il est une autre explication proposée par le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) :


Vx et fam. Faire gille. S'enfuir; p. ext., faire banqueroute. (Ds Ac. 1835, 1878). ♦ Faire gille à qqn. Faire faux bond à quelqu'un. Pour ne pas faire gille à M. de Pibrac Je t'offre ces quatrains comme des fruits en vrac (Toulet, Vers inéd.,1920, p. 193). Étymol. et Hist. 1579 faire gille « s'enfuir » (d'apr. FEW t. 24, p. 206a); cf. 1594 [éd.] (La Satyre Menippée, éd. Ch. Read, p. 138). Du nom de St Gilles (< lat. Aegidius) prob. p. allus. au fait que la date normale du déménagement était fixée en Bretagne au 1er septembre, jour de la fête du saint (cf. Esnault, L'Imagination pop., Paris, 1925, p. 222).

Mais je n'ai rien trouvé autour de cette date de déménagement, le renouvellement des baux se faisant traditionnellement à la saint Michel, soit le 29 septembre, mais les Bretons savent toujours se distinguer !

Au XIXe siècle on utilisait déménager à la cloche de bois


Allez, une note plus gaie pour terminer cette sombre chronique... Le Gille de Binche apparaît pour la première fois dans les textes en 1795, en tant que personnage se révoltant contre le régime français (Directoire) qui veut interdire le port du masque. Mais, mais, mais... la légende la plus populaire, imaginée, est celle du Gille descendant des Incas (hommes sauvages tatoués avec des plumes sur la tête) apparus en costume dans un cortège lors des fêtes organisées par Marie de HONGRIE - gouvernante des Pays-Bas et demeurant à Binche - en 1549 pour accueillir son frère Charles Quint.

.... QUI CROIRE ????




Jacques MARTIN, illustre auteur belge de BD, a fait en sorte que son héros Jhen rencontre Gilles de Rais (Xan chez son premier éditeur Le Lombard)

Le héros, Jhen Roque, est un jeune maître sculpteur (et aussi peintre) qui parcourt les routes de France à la fin de la guerre de Cent Ans ; le premier tome commence d'ailleurs par une tentative infructueuse pour sauver Jeanne d'Arc. Il croise le chemin de Gilles de Rais, dont il sera le seul ami mais qu’il ne pourra empêcher de sombrer dans la folie.





 
 
 

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